Ainsi se sont passées les choses…
pour arriver au CET de Bouillante.
J’avais bien essayé de poursuivre des études à la Martinique puis à Montpellier, après mon « bac D » à Baimbridge. J’étais attiré par la Biologie appliquée.
J’en ai gardé le sentiment d’avoir plutôt été poursuivi par elles (les études).
J’ai le souvenir qu’à Fort de France, le balcon du foyer de la JEC (Jeunesse Etudiante Chrétienne) ou j’étais hébergé, surplombait un arrêt de bus, sur le boulevard du Général De Gaulle. J’ai trouvé là une opportunité unique d’étudier les formes, les comportements et les gradients de couleurs des lycéennes de la Martinique. J’ai aussi appris quelques rudiments de créole martiniquais ; Je confirme donc ici que, de plusieurs de ces points de vue, la Guadeloupe et la Martinique sont différentes.
Par chance pour moi, Jérome B. était aussi hébergé à la JEC… C’était un jeune enseignant qui était plus vieux que moi et qui connaissait ma famille. Il m’a parfois dépanné quand mon « mandat » était en retard. Je lui en suis reconnaissant… paix à son âme.
En cours d’année j’ai trouvé une chambre à « l’Ecole Normale », à la Pointe-des-Nègres.
Je n’ai pas le souvenir d’être rentré à la maison ce noël là. Mais j’ai pu construire un petit réseau avec d’autres « étudiants » de la Guadeloupe. J’ai le souvenir d’une soirée pendant les vacances ou ceux qui n’étaient pas partis ont passé la nuit à jouer aux cartes, et à alterner café et rhum…nous étions jeunes !
Ensuite, Montpellier.
Pointe-à-Pitre- Paris en Boeing 707 d’Air France, et Paris-Montpellier en train. Heureusement que Danielle C., de Saint-Martin était là. L’administration du CROUS était fermée à mon arrivée. J’ai le souvenir que fin septembre, il faisait froid (très froid pour moi). J’ai dû dormir le 1er soir dans un hôtel, en attendant d’occuper mon hébergement.
Ce soir là, le drap blanc était si froid, que je me suis couché et je n’ai plus bougé de la nuit…de peur de toucher un bout de drap non réchauffé par mon corps.
Le lendemain, je découvre la petite chambre de la cité U. Elle était si fermée que j’avais pris l’habitude d’entrouvrir la baie vitrée la nuit, même en plein hiver, de peur de mourir par manque d’air.
L’IUT était à 500 m…c’est loin à pied, surtout l’hiver, mais l’ambiance y était bonne.
J’ai le souvenir qu’on avait confié à chaque étudiant un rat de laboratoire. Un jour il fallait l’anesthésier pour faire une expérience. Le mien à fait une crise cardiaque… le prof a bien essayé de le ramener avec des massages cardiaques, rien n’y a fait… malheureusement.
J’ai le souvenir que là aussi j’ai fait quelques belles rencontres. J’ai aussi fait un Montpellier- Paris dans une SIMCA 1000. Je suis resté une semaine chez ma tante Liliane…Et un Paris-Marseille en Volkswagen (avec ma tante Loulouse).
A Marseille, sur le quai de gare, deux « arabes » m’ont salués en arabe. J’ai tenté d’expliquer en français (ou en créole) que je ne comprenais pas et que je n’étais pas arabe. Il ont eut une réaction vexée, une attitude de mépris, un ton qui me semblaient signifier à peu près ceci : « espèce d’imbécile… tu sors du blèd comme nous, c’est pas la peine de faire ton cinéma, comme si tu ne parlais plus la langue ». J’ai aussi vu la célèbre plage de Palavas les Bains.
Quand je suis rentré en Guadeloupe, compte tenu de de l’expérience vécue, je n’ai plus eu envie de retourner en France. De toutes les façons je n’en avais pas les moyens.
Bien des années plus tard, j’y ai cependant passé de très excellentes vacances avec les enfants. C’est tout de même un pays riche de ses gens, de ses histoires et ses cultures.
En Guadeloupe, j’ai marché pendant plusieurs semaines, à Pointe-à-Pitre, à la recherche d’un emploi dans un laboratoire d’analyses médicales… en vain.
Je pensais pourtant avoir une petite compétence dans ce secteur là.
Peut-être que si j’avais marché plus et plus vite, le résultat eut été différent…
mais comme on dit :« il ne faut pas blâmer une contrariété ».
J’avais aussi, sans grande conviction, manifesté ma disponibilité auprès du Vice-Rectorat…
A vrai dire je ne me sentais pas (encore) l’âme d’un enseignant.
Toujours est-il que le Vice-Rectorat m’a recruté en tant que maître-auxiliaire maths-sciences au CET (Collège d’Enseignement Technique) de Bouillante.
J’ai accepté sans trop réfléchir, parce que j’avais besoin d’argent pour vivre, mes parents n’ayant pas les moyens de subvenir à mes besoins.
Ma grande sœur et mon beau frère étaient enseignants, J’avais la parole assez facile, et mon petit bagage scientifique était encore assez frais dans mon esprit. Tels étaient mes principaux atouts.
Mais rien ne fût simple. D’abord je ne savais pas comment arriver à Bouillante à 7h du matin, quand on habitait du côté de Pointe-à-Pitre et qu’on n’avait pas de voiture, ni même de permis.
Le cartésien en moi pris sa carte de Guadeloupe en main… il n’y avait que deux chemins par la route : Pointe-à-Pitre –-> Basse-terre puis Basse-terre –> Bouillante, environ 2h de route, en transport en commun. Ou Pointe-à-Pitre –>Bouillante par Deshaies, 2 heures de route aussi.
Mais j’ai trouvé une 3eme voie, la voie des airs. (J’ai souvent trouvé des 3eme voies, souvent centrales, qui ont souvent laissées sans voix).
La solution la plus courte était offerte par Air Guadeloupe :
Pointe-à-Pitre –-> Baillif en avion (10 min), puis Baillif –-> Bouillante en transport en commun (30 min). Le jour dit, je me présente au Raizet pour prendre l’avion…
J’avais en main le « samsonite » presque neuf que mon beau frère m’avait prêté pour faire « ma rentrée ». Il était presque vide.
L’avion décolle à l’heure dite mais … 1er accroc.
Au lieu du parcours annoncé « P-à-P – Baillif – Les Saintes », l’avion va d’abord aux Saintes. Mon premier et seul atterrissage aux Saintes.
A Baillif, l’attente fût courte avant d’embarquer dans un transport en commun.
L’ambiance était « Guadeloupéenne »… mais ça c’est une autre histoire.
Ne sachant ou j’allais je devais me concentrer sur le 1er panneau Bouillante que je verrais. Et dès que je le vis, la phrase magique entendue tout au long du parcours me vint facilement… Ici pour moi !
Et le chauffeur de m’expliquer que j’avais dépassé le CET et qu’il fallait que je remonte le morne qu’il venait de descendre pour le trouver… C’était le 2eme accroc.
C’était jour de grève… c’était le 3eme accroc.
Mon bel afro noir au dessus de mes yeux clairs, un corps mince (d’autres diraient maigre), imberbe au maximum… certaines considéraient peut-être que j’étais plutôt beau garçon.
Je n’avais pas encore 22 ans. Les filles de Terminale CAP ETC (Employés Techniques de Collectivités) en avaient 18. En me voyant monter le morne, elles ne pouvaient pas savoir qu’elles assistaient à l’arrivée de leur débutant de professeur de maths-physique.
Psiiit ! Par ci et psiiit par là, j’étais gêné… un peu. Elles, elles n’étaient pas timides.
Quelques collègues présents ont bien voulus m’expliquer l’essentiel : le cahier d’appel au début, le cahier de texte à la fin, et entre les deux, le programme de l’inspecteur … et tu apprends au fur et à mesure comment « capter » l’oreille et le regard de chaque élève, quelques soient son humeur, sa capacité d’écoute ou son désintérêt pour la discipline… et quelques soient tes soucis, ta fatigue ou ton humeur. C’était le 17 novembre 1975…
J’ai habité chez l’habitant à Bouillante pendant un an. J’ai passé le permis de conduire à Basse-Terre. Ensuite, pendant deux ans j’ai fait la route de « la traversée » avec ma première voiture (d’occasion), ma très loyale Peugeot 304. Une route exigeante en énergie mentale. 30 min pour faire Grand-Camp – Bouillante. A l’arrivée, je devais rester assis dans la voiture quelques minutes pour retrouver quelques forces… j’étais jeune pourtant.
J’ai le souvenir d’avoir eu beaucoup, beaucoup de mal à expliquer la leçons sur les « opérations sur les nombres relatifs ».
Pourquoi – 2 + – 2 = – 4 alors que – 2 x – 2 = + 4.
J’ai aussi le souvenir de quelques collègues qui aimaient bien faire la fête. Mais là est une autre histoire.
Je suis partis à la retraite presque 42 ans plus tard.