La mauvaise gestion de nos gouvernants locaux est parfois attribuée au « système »
C’est ainsi que, de temps en temps on entend dire que ni Saint-Martin ni Sint Maarten n’auraient dû changer de statut. Il y a des personnes qui regrettent qu’on ne soit plus une commune du département de la Guadeloupe. Il y a des gens qui sont nostalgiques des anciennes « Antilles Néerlandaises ».
Pour rappel :
En juillet 2007, la commune de Saint-Martin, partie nord de l’île, devient (en même temps que Saint-Barthélemy) une Collectivité d’Outre Mer, avec des compétences internes importantes (pouvoir réglementaire précédemment exercés par l’Etat en matière de fiscalité et de transport, compétences précédemment exercées par le Département et la Région pour la prise en charge de la petite enfance, des personnes âgées ou handicapées, pour la politique de développement économique, pour la construction et l’entretien des routes, des collèges et des lycées, pour ne citer que quelques exemples).
En Octobre 2010, les Antilles Néerlandaises, entité autonome constituée de Curaçao, Sint-Maarten, Bonaire, Saba, Saint Eustache, sont démembrées et Sint-Maarten, partie sud de l’île devient, en même temps que Curaçao, un « pays au sein du Royaume » (de Hollande), avec une très large autonomie interne exercée par un gouvernement local. (Tout sauf les affaires étrangères, l’armée et la nationalité, et un pouvoir de supervision du gouvernement de la Hollande)
Ces changements sont intervenus suite à des processus démocratiques orchestrés par les gouvernements centraux (européens), sur propositions des responsables politiques locaux, des responsables qui ont bénéficié du soutien des populations locales qu’ils avaient réussi à mobiliser.
Ces évolutions ont été obtenues de haute lutte.
Il faut aussi se souvenir que cette aspiration à avoir plus de pouvoir de décision sur les affaires locales n’est pas apparue un jour de manière spontanée.
Le processus qui a mené au changement de statut en partie française a duré plusieurs décennies avant de se concrétiser (avec les imperfections que nous connaissons).
En 1970 déjà, Hubert PETIT, maire de Saint-Martin regrettait de n’être même pas informé des décisions prises en Guadeloupe, pour sa commune, par la Préfecture ou le Conseil Général.
En juillet 1990, le maire Albert Fléming refusait les conditions dans lesquelles la présence de la douane était imposée sur son territoire. L’association Consensus Populaire Saint-Martinois était constituée dans la foulée avec pour mission d’étudier les freins au bon fonctionnement du territoire et de proposer des évolutions possibles.
En 2003, tout ce que Saint-martin comptait comme organisations politiques :
Solidarité Saint-Martinoise avec Albert Fléming et Daniel Gibbes entre autres
USM avec Louis-Constant Fléming et votre serviteur, entre autres
Le MAP avec Louis Mussington et Alain Richardson
Demain Saint-Martin avec feu Jean-Luc Hamlet et Christian Pujol
Ensemble pour Saint-Martin mené par Guillaume Arnel
Ainsi que les organisations socio-professionnelles, en particulier :
La FISM mené par Raymond Helligar
L’ACASM mené par Arnaud Vial
L’ADICASM mené par Paul White
S’étaient alliées pour obtenir un vote positif à l’occasion de la consultation populaire du 7 décembre.
Un petit nombre d’opposants à tout changement restaient plutôt discrets. D’autres, tels Daniella Jeffry, regrettaient que le changement n’aille pas suffisament loin.
Auparavant, fin 2002, les « assises sur les libertés locales » organisées par le gouvernement, et menées à Saint-Martin par Georges Gumbs, s’était posé la question du choix entre plus de décentralisation et changement de statut. C’est la deuxième option qui a été retenue.
Il faut reconnaître que ces changements de statut s’accompagnent, d’un côté comme de l’autre de l’île, par une instabilité politique certaine :
2 présidents démis d’office pour cause de comptes de campagnes non conformes, en partie française, mandatures poursuivies par un colistier ;
Phénomène de « ship jumping » qui fait chuter les gouvernements tous les 2 ans à peu près en partie hollandaise.
Il faut aussi reconnaître que la crise économique mondiale de 2008-2009, et plus récemment le cyclone Irma (2017) ont très négativement impacté les économies insulaires basées sur le tourisme.
C’est dans ce contexte que s’exprime la « déception » de quelques-uns.
Et très paradoxalement, les mêmes qui regrettent d’avoir changé de statut, les nostalgiques de l’avant changement, expriment en même temps un fort sentiment d’appartenance à un peuple, avec cette identité qui n’appartient qu’aux compatriotes, ce « nous » qui n’est pas tous…et par conséquent cette entité ayant vocation à faire nation.
Depuis 1946 et l’intégration artificielle de la partie française de Saint-Martin au département de la Guadeloupe, l’Administration centrale n’a eu de cesse d’essayer de nous (con) fondre dans la Guadeloupe. La réalité géographique et socio-économique allait à l’encontre de cette logique-là.
Depuis 1954 et la création des « Antilles Néerlandaises » la situation géographique et socio-économique rendait de plus en plus difficile les relations entre les différentes parties de cette entité.
L’évolution institutionnelle était inéluctable… c’était aller dans ce qui ressemble au sens de notre l’histoire.
Obtenir de plus en plus de responsabilités locales parce que « le peuple » devenait conscient de son existence en tant que tel et voulait s’émanciper de « parents » pas toujours justes dans la répartition des ressources entre les enfants, surtout ceux qui sont loin.
Les exemples de ce « sens de l’histoire » sont nombreux.
Aruba avait déjà obtenu son indépendance (status aparte) par rapport aux « nederlandse antillen ».
Anguilla avait fait sa « révolution » et obtenu d’être séparé de St-Kitts-Nevis.
Et c’est certainement le même esprit qui a conduit au fractionnement de l’Académie Antilles-Guyane en trois et de l’Université Antilles-Guyane en deux.
Le sens de nos histoires est généralement le même, même si la route est parfois sinueuse, malgré les turbulences qu’on rencontre, qu’il fasse beau ou pas. Des groupes humains s’identifieront comme peuple et voudront s’émanciper plus ou moins pour former nation.
J’ai donc la conviction, qu’en matière de gouvernance,
On ne peut pas aller contre le sens de notre Histoire.
Il faut exploiter ce qu’on a, le mieux qu’on peut, et le faire évoluer autant que possible.
Il faut aussi faire évoluer le peuple autant que possible, sans trop le devancer.
…et nous les « anciens » devrons nous tenir à la disposition de « nos meilleurs jeunes cerveaux »
au moment ou ils voudront créer un futur qui n’effacera pas notre passé.
Je n’ai aucun doute que tôt ou tard, dans 1 an ou dans 100 ans, les Sin’Martiners du nord, du sud et de toutes origines, verront se manifester des circonstances, fortuites ou provoquées, ou l’intérêt de l’ensemble « des gens de l’île » sera supérieur à l’intérêt de chacun des côtés, et la solidarité de peuple dépassera les injonctions gouvernementales, et des femmes et des hommes providentiels émergeront pour conduire des gouvernances mieux harmonisées et, qui sait, peut-être le prochain saut institutionnel…parce que c’est là, LE SENS DE L’HISTOIRE.
Telle est mon opinion.