Saint-Martin, l’île exemplaire
(…réflexions en cours de construction…)

J’ai été interrogé, plusieurs fois, par des interlocuteurs venus de sphères sociales et professionnelles très différentes, sur l’idée que je me fais de mon île, Saint-Martin, dans 30 ans.
Je choisi de comprendre qu’on me demande : ce dont je rêve, ce que j’imagine, ou simplement quel est mon espoir pour mon île. Voici ma réponse.
Mon île sera exemplaire et son exemplarité sera bâtie à partir d’idées simples :
1 – De l’eau potable, de l’énergie et de la connectivité en qualité, en quantité et dans la durée, à un coût compatible avec le niveau de vie des habitants, permettant une résilience optimale.
2 – Un environnement sain qui respecte le nécessaire équilibre entre espace urbains avec parcs et jardins, espaces agricoles avec eau agricole et espaces naturels à préserver.
3 – Un système éducatif adapté et de formation qui prenne en compte le contexte socio-économique et culturel de son public pour faire des citoyens performants, efficaces et utiles ici et ailleurs.
4 – Une économie reposant sur au moins 3 piliers (que permet ce contexte-là) :
- Les services aux touristes servis par des professionnels, de préférence « connectés » à la terre et à l’histoire du territoire.
- La production de produits alimentaires de notre terre et de la mer qui nous entoure, et autant que possible de la région proche, après accords régionaux.
- Des services liés aux technologies de l’information et de l’informatique
5 – Une gouvernance locale qui inspire confiance parce qu’insensible aux corruptions, équitable vis à vis des strates sociales de la société, qui prend en compte toutes les parties du territoire, qui prépare l’avenir et qui prend soin des plus fragiles de ses citoyens.
Cela n’est possible que si l’action s’inscrit dans le contexte de la réalité géographique.
Une île petite (100km²) éloignée des endroits ou se décident parfois son sort :
- Basse-Terre à 300 km d’avion et taxi, où se situe le représentant de l’état, les autorités de gestion des fonds européens, le tribunal des prud’hommes et la prison ou sont incarcérés nombre de nos ressortissants.
- Une île pourtant proche, de l’Hollandaise Sint-Maarten avec qui nous partageons l’île, et ses cousines proches de Saba et Saint-Eustache, mais aussi la britannique Anguilla à 10 km, le PTOM de Saint-Barth, l’indépendante Commonwealth de Saint-Christophe et Nevis à moins de 100 km, Antigua et Barbuda à quelques encablures, les îles vierges à l’est et le DROM de Guadeloupe au Sud, à 250 km. (Les « leeward islands », petites Antilles du nord de la Caraïbe avec un bassin de vie de plus de 800 000 habitants).
- Une île ou la culture anglophone (que l’histoire coloniale explique), ne génère pas (encore) un sentiment anti français exacerbé.
C’est dans cette réalité que s’inscrit mon opinion, que si l’on comprend la réalité de Saint-Martin, on peut comprendre la réalité de presque tous les territoires d’outre-mer français.
C’est aussi dans ces réalités que je comprends l’incompréhension forte, (parfois très forte) des européens. En effet, même s’il est facile de « savoir » les Histoires, les sociologies, les économies, les cultures, la géopolitique, etc, il est beaucoup plus difficile de les « connaitre »…
- Connaître pourquoi la résistance à la vaccination a été si forte aux Antilles, comparativement à l’Europe.
- Connaître le sentiment de ces enseignants Saint-Martinois qui ont joué loyalement le jeu de la mobilité tel que prévue par la réglementation et qui se trouvent « coincés » en région parisienne depuis parfois 10 ans, qui n’arrivent pas à faire prendre en compte la notion pourtant réglementaire de Centre des Intérêt Matériels et Moraux.
- Connaître le ressenti non-dit des Saint-Barths dont aucun enfant ne naît plus sur l’île depuis plus de 30 ans, et ou les chances de survie d’un accidenté de la route ou la victime d’une crise cardiaque à probablement moins de chances de survie parce que le système de santé ne prend pas suffisamment en compte le contexte.
En même temps, on se demande pourquoi les gens de si loin sont demeurés loyaux à la France et résilients malgré tout ? Est-ce par patriotisme, par naïveté ou par ignorance ?
Pourquoi tant d’entre eux ont cru devoir « faire dissidence » pour rejoindre la résistance organisée par le général De Gaulle. Pourquoi sont-ils si nombreux des colonies à avoir participé à la grande guerre, Et comment se fait-il qu’ils soient si résistant à l’idée d’indépendance.
J’ai quelques idées de réponses mais tel n’est pas l’objet de ce petit papier.
Contextualisons aussi avec quelques repères historiques.
1763 : le traité de Paris est signé à Paris. La Martinique, la Guadeloupe (et Saint-Martin) sont rétrocédées à la France (qui est intéressée par le sucre), la France perd le Canada au bénéfice de l’Angleterre. Le « siècle du sucre » commence sur l’île. Les noirs importés pour l’esclavage, constitue la majorité du nouveau peuplement de l’île. Les descendants de ce peuplement sont encore présents sur l’île aujourd’hui. Le Saint-Martin d’aujourd’hui est né à ce moment-là.
1833 : l’esclavage est aboli à Anguilla, l’esclavage change de nature à Saint-Martin du fait du marronnage maritime (vers Anguille).
1848 : l’esclavage est aboli par la France, l’économie sucrière s’effondre. La démographie s’effondre aussi. L’exploitation des marais salants en partie française compense un tant soit peu l’économie sucrière. Un exode assez massif s’opère (et dure jusqu’aux années 1950), à la recherche de travail, notamment pour la construction du canal de panama, dans les raffineries de Pétrole d’Aruba et Curaçao, dans Iles vierges Américaines, en République Dominicaine, aux Etats-Unis etc
Des Ouragans majeurs ponctuent aussi l’histoire des Iles.
1928 : le « cyclone de 28 » détruit Pointe-à-Pitre et fait 1200 morts.
1960 : le cyclone DONA passe sur Saint-Barth et Saint-Martin et les rase.
Mais dans les années 60 l’île émerge de plus de 100 ans de quasi autarcie, un repli forcé sur soi qui permet la construction d’une identité forte (anglophonie, solidarité, autosuffisance, autogestion, esprit d’accueil).
Emergence du tourisme, notamment en partie hollandaise de Saint-Martin.
Des facteurs modernes externes à l’île, principalement, construisent aussi le contexte.
1986 : La loi Pons de défiscalisation Outre-Mer a pour conséquence un tsunami démographique qui est la cause d’un bouleversement sociétal qui produit des tensions sociales fortes et durables.
La nature nous offre suffisamment d’accidents pour ne pas avoir à en créer nous-même.
1995 : le cyclone LUIS ravage l’île, 35 ans après Dona.
2017 : le cyclone IRMA arrive 22 ans après LUIS.
Le Statut politique a évolué récemment, et fait suite à la Départementalisation de 1946 et l’intégration de l’ile comme commune du Département de la Guadeloupe.
2003 : consultation populaire avec le Oui au changement statutaire.
2007 : inauguration de la Collectivité d’Outre-Mer.
2012 : élection du 1er député de Saint-Barth et Saint-Martin
Le dernier paramètre de contextualisation pour mon projet d’île exemplaire est la qualité de ses cadres, dans le privé comme dans le public. L’ère des expatriés venus ajouté une ligne à un cv est maintenant passé puisqu’aussi bien la ressource locale de même compétence peut exister. Ces expatriés ont certes un savoir certain mais certainement pas la connaissance intime suffisante pour reconnaître, qu’interdire la construction de citerne sous les maisons en zone sismique est certes logique mais que ces citernes sont vitales sur une île sans eaux de surface, ou il pleut beaucoup parfois, mais ou la sécheresse peu aussi durer longtemps, longtemps (exemple donné à titre illustratif)
Loin de moi, cependant, l’idée d’organiser un quelconque repli sur soi, puisque je crois qu’une société a besoin d’apport extérieur pour évoluer.
Le tout, pour s’inscrire dans la durée, est de trouver l’équilibre entre évolution et révolution sociétale.
Une évolution de l’état d’esprit de l’Etat central, qui transformerait le regard souvent supérieur de la « métropole », sur le tout là-bas de la périphérie qu’on trouve au-delà des mers, est utile, et c’est peut-être là le plus difficile.
Les gens de ces « outre-mer » n’ont pas vocation à quémander comme des enfants gâtés, (image entretenue qu’on leur colle parfois), mais connaissent souvent ce qui est mieux pour eux, dans un contexte local ou toutes les Histoires, parfois douloureuses, souvent enfouis dans l’inconscient collectif, ne sont ni descriptibles, ni dicibles…et c’est pareil partout.
Voilà en résumé ce que je peux imaginer, sachant que chacun des points évoqués devra être développé.
Je sais que passer de l’imagination à la réalisation n’est pas simple,
Mais qu’il vaut mieux imaginer soi-même son futur.
Tout ce qui existe, à d’abord été créé en pensée, et,
Personne ne doit pouvoir vous enlever vos rêves
Frantz GUMBS